Kate et Léonardo

Laissez-vous maintenant emporter par le Grand Spectacle. Les marins-maîtres-nageurs s’éclipsent et vont rejoindre Luis Mariano et Georges Guétary dans les coulisses du Châtelet pendant que l’autre porte du sauna s’ouvre sur deux superbes adolescents au sourire extatique, style sourire taliban garanti hallal.

Et tandis qu’éclate triomphante la musique d’introduction : « Pom ! Pom ! Pom ! Pom pom pom ! Pom ! Pon pon pon, pom. Pom, pommm ! Pom pom pom ! Pom pom pom pom, pon pon pom pom pom pom. »

Vous avez certainement reconnu le thème musical d’introduction du film de James Cameron, « My heart will go on », qu’un haut-parleur tonitrue en sourdine pendant que le couple se met en position derrière le chariot à roulettes transatlantique.

Crucifiés d’amour, Kate et Léonardo étendent leurs bras l’un derrière l’autre. Le moment est intense. Ils s’embrassent les yeux fermés, baignés de la lumière sanglante et dramatique d’un projecteur manipulé par un machiniste qui, lui, le malheureux est habillé ! Habillé et ruisselant, en train de se liquéfier à 90 degrés. Comme un morceau de sucre de betterave dans une tasse de Darjeeling.

Aaaah ouiiii ! C’est maintenant, sur la proue, le grand baiser romantique au dernier coucher de soleil sur l’Atlantique avant la nuit tragique de l’iceberg ! C’est à peu près aussi crédible que le président algérien Abdelazziz Bouteflika disputant la finale de Roland Garros contre Rafael Nadal, sur le court Suzanne Lenglen !

« Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle. » (Jean Racine / Andromaque)

Le couple ensuite se désenlace et, pathétique, théâtral, les bras en anse de panier, s’empare dans le chariot de deux seaux remplis de glace en cubes, qu’il renverse brutalement sur le foyer de pierres incandescentes. Un épais nuage compact de vapeur brûlante se dégage.

La gorge serrée d’angoisse, les nudistes réalisent alors que le chariot-Titanic vient de percuter un distributeur de glace en cubes, embusqué dans la nuit polaire. C’est totalement inédit et déjanté. Mais c’est l’horreur !

Attention ! le plus beau est à venir ! Voici Léonardo Di Caprio et Kate Winslet qui déploient de grandes serviettes de bain couleur punaise écrasée. Ils les agitent frénétiquement pour projeter la vapeur brûlante vers les spectateurs de l’iceberg en ébullition. C’est censé être le naufrage. Les Alsaciens chantent « Le vent souffle avec rage, contre un chétif bateau, parfois c’est le naufrage, tout n’est pas gai, sur l’eau ». (Chanson de marins)

Qu’est-ce qu’on rigole, Youp la boum ! Kate Winslet et le beau Léonardo rapprochent leurs casquettes dorées en un ultime baiser. J’avais oublié de vous dire qu’ils portaient de larges casquettes blanches et dorées à la Brejnev, soldées par l’amirauté russe après la perestroïka, aussi larges que des galettes de blé noir de Lampaul-Plouarzel.

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