Mesdames et Messieurs,
Le commandant de bord Edmundo Ricardo Izurieta Caffarena et son copilote Jose Antonio Millan-Astray ont le plaisir de vous annoncer que le Boeing 797 Miguel de Unamuno, en provenance de l’aéroport Arturo Merino de Santiago du Chili, vient de se poser à Mataveri-Robert-Charroux, sur l’île de Pâques, avec ses 1750 passagers.
Nous avons bénéficié d’un vol calme de six heures trente avec une vision privilégiée de l’archipel Juan Fernandez et de l’île aujourd’hui déserte de Sala y Gomez.
Voici quelques indications destinées à rendre votre visite la plus agréable possible.
Découverte en 1722 par l’amiral Hollandais Jacob Roggeveen, cette fameuse île, dont l’histoire secrète a été si magistralement racontée par les historiens Robert Charroux, Erich von Daniken et Francis Mazière, sans oublier l’historien Benjamin Stora.
Cette île fut autrefois colonisée par des extra-terrestres qui vinrent de la galaxie d’Andromède dans le but de dresser en ce nombril du monde (Té pito té Fénua) leurs moaïs, statues cyclopéennes autant qu’énigmatiques.
Ces monolithes de lave compacte, issus de l’ancienne caldeira du volcan Rano Raraku, furent érigés en témoignage immémorial contre le fascisme, le rââcisme et l’antisémitisme, l’exclusion, l’homophobie et Jean-Marie Le Pen, mais aussi pour honorer le mariage pour tous, l’interruption volontaire de grossesse, la procréation médicalement assistée, les transsexuels et la consommation sans modération de la saucisse juste sèche de Justin Bridou.
Votre liberté de circulation sera assurée dans un rayon de trois cents mètres autour de l’aéroport et de ses structures annexes, hôtels, casinos, salons de massage et autres maisons de jeux. L’accès au reste de l’île demeure rigoureusement interdit pour en garantir la préservation et l’intégrité au profit des générations futures.
Des abus ont en effet été constatés par le passé, provoqués par des visiteurs indélicats. J’évoquerai en particulier les prélèvements intempestifs d’objets archéologiques dus à un médecin breton, notoirement fripouille, qui a réussi à franchir la frontière chilienne, échappant à la police lancée à ses trousses.
Vous conservez un total et libre accès aux différentes structures hôtelières souterraines, construites à 25 mètres de profondeur dans d’antiques lavatubes pour ne pas endommager le panorama, hôtels où des indigènes pascuans viendront vous distraire par des chants et autres danses folkloriques à l’issue desquels il vous sera loisible de leur jeter quelques bananes, disponibles au bureau de l’hôtel, pour la modique somme de vingt teuros la griffe.
Evitez toutefois, par souci d’économie, de manger la banane et de lancer la pelure aux danseurs. Ce geste inélégant, quoique compréhensif en cette sinistre période de crise, pourrait les inciter à vous mordre.
D’autres distractions, roulette, black-jack, poker déshabillé, vous seront proposés dans nos deux casinos.
Nous vous signalons enfin qu’une clinique polyvalente vous est largement ouverte.
Deux brillants chirurgiens, dont le docteur Ramon Zaratte dit Glou-Glou, qui a repris avec panache son service à l’issue de sa sixième cure de désintoxication, elle aussi couronnée de succès, et son assistant Ignacio Sangre de la Madonna Cuchilla de Carnicero, Amou Amou e Kokoro en maori, ancien expert en interrogatoires poussés dans les camps de prisonniers de Punta Arenas, d’où son sobriquet Tiens v’la Gégène sous le régime du général Augusto Pinochet, que Dieu l’ait en sa très sainte garde, vous proposeront à des prix cassés tout un éventail d’interventions esthétiques allant de l’implantation de corps caverneux en oxyde de titane, vous assurant par une érection permanente une réputation enviable auprès du beau sexe – et même de l’autre, des liftings, rhinoplasties en tout genre, implants de prothèses mammaires PIP, etc.
S’il vous reste un peu de temps vous pourrez aussi, par le truchement d’un écran géant de télévision système Sensurround et Torchcolor, visiter l’île de manière beaucoup plus confortable, dans un luxueux fauteuil pourvu d’un coussin anti-escarres. Au cours de la projection d’une bonne heure, agrémentée de différentes réclames, une distribution gratuite de pop-corn sera assurée en permanence pour calmer la fringale de chaque spectateur.
Imaginez les efforts insupportables qu’on demandait naguère aux visiteurs avec, en particulier, l’escalade harassante des volcans Rano Raraku, Rano Aroï et Rano Kao, ainsi que les randonnées exténuantes sur la presqu’île, de Poïke à la falaise d’Orongo.
Votre superbe voyage à l’île de Pâques devant s’achever demain matin, vous devrez dès sept heures trente déposer vos valises devant la porte de votre chambre, dans le couloir de l’hôtel. La règlementation très stricte de ce fragile univers insulaire précise que chaque touriste de passage ne devra laisser derrière lui aucun objet.
Si un besoin naturel pressant devait se manifester pendant votre séjour, et ce malgré les pilules constipantes qui vous avaient été distribuées au départ de Santiago, vous devrez vous soulager en utilisant les doggy bags disponibles auprès des hôtesses, et conserver ces sacs par devers vous, entre vos jambes, jusqu’à notre arrivée à Honolulu, notre prochaine destination, que nous atteindrons après onze heures de vol.
Honolulu disposant d’une structure d’incinération, vous pourrez remettre vos sacs, hermétiquement fermés à l’aide d’un scotch, à votre hôtesse qui vous remerciera d’un sourire et sollicitera auprès de chaque producteur la somme forfaitaire de vingt teuros.
Bien entendu il ne vous sera pas non plus possible de circuler à Honolulu, autre univers insulaire fragile que nous devons sauvegarder pour nos descendants, déjà fort contrariés par le réchauffement climatique. Vous trouverez donc à vous loger dans des hangars souterrains pourvus de tout le confort moderne et prévus à cet effet des deux côtés de la piste. Des sacs de couchage vous seront alloués.
Nous espérons que vous aurez tiré un maximum de profit de ce magnifique voyage et nous comptons vous revoir rapidement sur nos lignes d’Air Pisco.
Avec Air Cra-Cra, on ne s’emmerde pas ! Et yippeee arriba Chile !
NB : Ce dépliant est mis gracieusement à votre disposition par le producteur de pisco Demonio de los Andes.