Le Grand Canyon ! Gigantesque et bouleversant !
Un seul ravin le surpasse mais c’est sur la planète Mars !
Allons ! Pour une fois soyons optimistes. Ce ravin-là sera pour Henri et Augustin Lélias mais il faut savoir que cette fabuleuse merveille de la nature recèle plein de sales bêtes mal intentionnées. A tout seigneur, tout honneur. Le Crotales viridis émet un bruit de crécelle pour vous signifier qu’il vaut mieux ne pas approcher. Le Masticophis taeniatus, le Rhinocheilus lecontei, le Lampropeltis getulus, le Thamnophis elegans, etc. Six espèces de serpents se tiennent à votre disposition pour vous rendre la randonnée ponctuée d’entrechats, de cabrioles et de gambades Au cas où vous seriez zoophobe, pas question d’entreprendre la Traversée. Vous risqueriez de rentrer en choréique phase terminale, tout secoué de spasmes.
Passons aux araignées. Je n’en citerai pour mémoire que la vedette, la Veuve Noire, latrodectus mactans qui, si l’idée saugrenue de camper vous est venue, vient vers 23 heures se faufiler dans votre tente à la recherche d’endroits chauds et humides. Entre vos cuisses, par exemple. Alors, si vous vous grattez, forcément, faut comprendre, elle n’aime pas ça, la Veuve, et elle vous le prouve dans la minute !
Citons aussi, pour mémoire, le monstre de Gila. C’est le seul lézard venimeux au monde. Eh oui, il est là, lui aussi ! Où auriez-vous souhaité qu’il fût ?
Des scorpions bien évidemment, et de toutes les tailles, des scolopendres mordeurs. Sans eux le monde serait triste.
Des pumas aussi, j’en ai vu un, photographié à 50 mètres avec un grand-angle, tu parles ! On dirait un chat de gouttière ! Des coyotes obsédés par l’idée de déchiqueter vos pataugas… et plus haut si pas d’affinités particulières. Des ours noirs qui commencent dès potron-minette à virer maussades… ça va, j’ai pas dit Mossad, commencez pas à m’emmerder ! Faut les comprendre les ours. A force de monter et descendre dans un canyon, difficile de faire autrement !
De quoi rêvent les ours du Grand Canyon ? Comme les retraités suisses, d’une maison de plain-pied évidemment !
Résumons-nous : des serpents, des scolopendres, des araignées, des ours, des coyotes, des lions d’Amérique. Il ne manque personne ?
Si, des Requins blancs… Et bien, dans le Colorado y’en a pas ! Faudra vous faire une raison ! C’est pas qu’ils voudraient pas mais ils aiment pas l’eau douce. Et faut pas l’oublier celui-là : le vieux saurien Georges Soros et sa clique de vipères lubriques. D’ailleurs, on n’a pas cherché à le voir ce malfaisant. Normal, sans un Sig-Sauer approvisionné, ça ne présentait pas d’intérêt.
Bref, il faut quand même rester sur ses gardes et ouvrir l’oeil !
Oui ! Ouvrez l’oeil car, en levant les yeux, vous aurez peut-être la chance d’apercevoir un couple de condors d’Arizona. Il resterait quelques couples de cet oiseau simplement affreux, qui ne vous aime que réduit en charogne, dilués en bouillons glougloutants d’asticots frénétiques, cinq jours seulement après vous être égaré, perdu, ivre de soif et de mirages sur la piste de l’Ange Lumineux. Forcément, la Chaleur…
Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu’ensemble elle avait joint ;
Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s’épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l’herbe
Vous crûtes vous évanouir.
Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s’élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,
Vivait en se multipliant.
Charles Baudelaire / Les Fleurs du Mal / 1857