De Taez à Hodeidah

Ultimes reflets sur le pays de la Reine de Saba

Reges de Saba veniet, alleluia / Reges terrae et omnes populi, laudate Dominum.

Ce matin, le beau temps est léger, léger comme un homme qui part. Ce matin, nous quittons notre hôtel de Sanaa pour gagner Hodeidah par la route impossible construite par les Chinois, relevant un incroyable défi au prix de tant de morts.

De ce grand port sur la Mer Rouge nous regagnerons Taèz. Sur la route, à Al-Zebid, un homme hors du commun nous aura offert l’hospitalité, Ibrahim Seif al Islam, ancien officier royaliste de l’Imam El-Badr, maîtrisant le français du haut de sa fabuleuse bibliothèque, comme plus personne n’en possède le contrôle.

J’étais entré chez lui et le silence s’était fait sur la Terre. L’humanité est une auberge mal famée, voyez-vous, mais une auberge mal famée où passent des princes. Je le revois encore au seuil de sa maison, son sourire mélancolique et plein de Dieu, me confiant, la main droite levée : «La prévision attristante, ce n’est pas la mort, c’est la certitude de n’y parvenir que dégradés et peut-être même cette honte réservée à nos descendants nous pourrait-elle laisser insensibles, si nous n’éprouvions, par une secrète horreur, que les mains rapaces de la destinée sont déjà posées sur nous ».

 Je me souviens d’une conversation à bâtons rompus avec Ibrahim Seif Al Islam, devant qui je m’étonnais de voir tant de mendiants au Yémen. il me répondit simplement : « Celui qui demande la charité travaille plus pour son prochain que pour lui-même. Le monde souffre de n’avoir pas assez de mendiants pour rappeler aux hommes la douceur d’un geste fraternel ».