Jean Garçon

Hélène parle. Elle dit : Ah ça oui ! C’était une époque heureuse mais nous ne le savions pas… Mais nous ne le savions pas assez. D’ailleurs, on ne le sait jamais assez !!! Mais plus tard ? Plus tard…

Intercalées dans l’an, viendront les journées veuves / Les vendredis sanglants et lents d’enterrements / Des blancs et de tous noirs vaincus des Cieux qui pleuvent / Quand la femme du Diable a battu son amant.

A cette époque heureuse donc, Isabelle et Jean tournaient autour de nous, pleins de cris et de poursuites, comme les hirondelles dans le ciel vert de septembre, on les pensait ici, mais ils étaient déjà ailleurs… Bref ! à vous en donner le tournis ! Et c’est ainsi que soudain prit naissance l’idée de la Saga garçonne.

En ce somptueux automne de poussière dorée, qui n’en finissait pas de mûrir, je revenais de Bavière, où les Garçon nous avaient accompagnés. C’est simple : Jean adorait l’Allemagne ! Il ne pouvait pas exister à Berchtesgaden d’aurore romantique noyée d’interminables  écharpes de brume, hantée en cavalcade de sangliers fangeux de leurs souillats récents, pas d’alpage scintillant de rosée au petit matin frais, sans voir débouler notre Héros, très style Pierre Vaneck, ressuscité par le Julien Duvivier de Marianne de ma Jeunesse, en culottes de peau, bretelles fleuries d’édelweiss, chapeau pointu de feutre gris à force plumes de tétras, hilare, bras droit tendu, fonçant dans les emblavures, se claquant les cuisses, en vociférant des hah la la la ! tio lio lio li ! à déclencher des/ avalanches. Cher Jean Garçon !!! En a-t-il profité de son séjour en Allemagne réunifiée, notre Juan ? Oh que oui alors!

Hélène et  Isabelle, séduites par Neueschwanstein et Hohenschwangau, s’en furent aux aurores, prises d’une envie pressante d’aller au schloss (Schloss = château, il va sans dire), tandis que Juan, dévoué selon son habitude, proposait courageusement à Frida notre hôtesse, blonde adolescente de 19 printemps, ses robustes services. Il s’agissait de préparer pour l’hiver les grandes étables pour les troupeaux descendus de la montagne dans une apothéose de sonnailles et de lumière dorée. Il en oubliait sa jambe, le gaillard (prothèses de genou bilatérales en titane), et le voilà enfourchant gaillardement la paille au pied de la grande échelle, dont la jupe en corolle de Frida fleurissait la partie sommitale.

Aaah! Les puissants remugles de fougères écrasées, de digitale et de gentiane qui en exaltaient d’autres… Enivrantes fragrances poivrées d’aisselles humides et chaudes. Tout en maintenant solidement l’échelle, Jean, toujours imprégné de mystique, gardait les yeux bien plus rivés au Ciel que sur la ligne bleue des Vosges. Mon Dieu ! Ces visions fugitives, dans la chaude pénombre propice, de blanche lingerie, si odorantes d’une succulente moiteur, d’émouvantes dentelles froissées surgissant de plis encore si enfantins.

Le vertige saisissait l’âme vaincue. Prosterné dans le foin tout embrumé de ces divins miasmes, genoux à terre, mains jointes, Jean implorait Saint Ulrich et Saint Wolfgang de ne pas céder à la tentation du Malin et de lui éviter le sort funeste de Roman Polanski. Vers deux heures du matin, j’entendis Frida gémir tudesquement « Fiv la Vranze » et, un court instant plus tard, Jean, toute honte bue, soupirer en écho « Heil Hitler ! Deutschland über alles » ou n’était-ce que Le songe d’une nuit d’été ?

Et Maintenant ! Caramba ! Si Senor.. Esta es oune saga garconne (con Toreros, flamenco y tapas) in glorious memory of nuestros viejos companeros (qui se sont étripés avec tant de conviction d’exaltation et d’allégresse) Indalecio prieto, Largo caballero, Jose-Maria Calvo Sotelo, Lluis Companys. , Jose-Maria Gil-Robles, Mario Roatta,  Luis  Moscardo. , Rodolphe Henricourt de Grunne, Juan Yague, Jose Millan-Astray. , Luis Carrero-Blanco, Jose-Antonio Primo de rivera, Buenaventura Durruti, Gonzalo Queipo de Llano,  Hugo  Speerle,  Onesimo Redondo et, bien entendu, Francisco-Salgado-Araujo  Franco, el Caudillo. Arriba Espana !

En la plaza de linares, cuando mas brillaba el sol, un toro negro de miura, frente a frente lo mato ! Ay !  Manoel ! Manoel Rodriguez Sanchez, de todos los toreros del mundo la flor. Ay ! Manoel ! Ay ! Manolete ! Toda Espana te lloro!

Nous sommes à Kernod. Jean est assis dans l’herbe. Il a adopté l’attitude classique du samouraï vaincu, méditant son prochain seppuku: jambes croisées, mains sur les genoux, les yeux révulsés. On ne voit que le blanc. D’ailleurs, il fait nuit noire dans le massif de prunelliers voisin. Shinuchi Yuizé accompagne au shyakuhachi (flûte droite en bambou des samouraïs) Yoshiko, qui chante Nara yama sakoura, complainte d’amour, sous les fleurs de cerisier.

Jean se redresse, contracte son épigastre pour émettre un effroyable coassement guttural: « Ahiahiyiyiyiyiahrrrourourouahrhgreuhgreuh ». Oh ! Ce cri qui glace le sang sur la lande de Kernod ! Tout à coup, au milieu de tant de nuit, ce cri s’élève, suraigu, terrifiant. Il remplit le vide et s’en va déchirer les lointains. Il est parti de ces notes très hautes qui n’appartiennent d’ordinaire qu’aux femmes, mais avec quelque chose de rauque et de puissant qui indique plutôt le mâle sauvage. Il a le mordant de la voix des chacals et il garde quand même on ne sait quoi d’humain qui fait davantage frémir, on attend avec une sorte d’angoisse qu’il finisse.  Et il est long, long, long, si long ! Il oppresse par son inexplicable longueur…

Il avait commencé comme un haut bramement d’agonie et voici qu’il s’achève et s’éteint en une sorte de rire, sinistrement burlesque, comme le rire des fous.  C’est l’irrintzina, le grand et mystérieux cri des Garçon, qui s’est transmis avec fidélité, de génération en génération, depuis la nuit des temps jusqu’à nos jours. On pousse ce cri pendant les fêtes, ou bien pour s’appeler le soir dans la montagne, et surtout pour célébrer quelque joie, quelque aubaine imprévue, une chasse miraculeuse ou un coup de filet heureux dans l’eau des rivières. Ce cri que poussait Maurice Garçon, son père, au  tribunal, à l’issue d’un grand procès d’assises, quand il parvenait dans une ultime envolée d’éloquence à sauver l’assassin de la guillotine, ce pauvre assassin à l’enfance malheureuse, qui venait de déchiqueter à la tronçonneuse une misérable veuve et ses deux nourrissons, avant de les déglutir tout palpitants.

Une grosse larme de compassion roule sur la joue de Bad-Hunter.

N’est ce point-là une simple et violente pulsion orale pour affirmer son existence, pour hurler son attachement viscéral au passé et aux vieilles croyances, pour conjurer le mauvais sort, pour se défendre de la solitude et l’obscurité dans la montagne, une décharge vocale inquiétante dans son intensité même ? Oh ! Ce cri, inattendu, strident, déchirant, scandé d’une façon si sauvage au début, puis allongé, allongé, allongé en glapissement de hyène…

Je ne me rappelle qu’un cri d’Indien Navajo à Fumace-Creek, dans la vallée de la Mort, m’ayant causé cette angoisse triste. Et cela ramène à des époques préhistoriques, à des sensations et des frémissements d’âge de pierre. Comme j’ai l’impression qu’elle est vieille comme le monde, cette race frisonne… Pardon, cette race garçonne.  Pour moi, pareil cri ne peut que renvoyer aux origines… Aux insondables effrois des temps primitifs, quand, au milieu des solitudes du Vieux monde, hurlaient des hommes au gosier de singe  !

Voici soudain Jean qui se lève. Il lisse son kimono et, les deux bras tendus vers le firmament, il invoque la déesse-mère Amaterasu, en criant vers l’est et ensuite vers l’ouest: Yamato ! Yamato ! Il reprend, hiératique et marmoréen la position d’un imminent seppuku puis, soudain, impavide, il laisse tomber ces mots: J’aime être assis, seul, quand la lune brille / Et que deux pins se dressent devant la véranda / Une brise vient du sud-ouest / Se glisse entre les branches et les feuilles / Sous la resplendissante lune de minuit  / Elle siffle sa musique fraîche et lointaine / Comme des pluies qui bruissent dans des montagnes vides / Ou des cordes de harpe, sereines, en automne.

Cependant que s’égrènent de nouvelles notes sereines dans les buissons de prunelliers sauvages, c’est Shinuchi Yuizé qui continue d’accompagner au koto l’immatérielle Yoshiko. Voici qu’elle psalmodie maintenant une mélodie d’une bouleversante tristesse à la gloire des chrysanthèmes qui se fanent, des brouillards d’extrême automne… de la forêt… des loups…

Et puis soudain, d’un seul mouvement, elle se dresse, comme l’hostie de l’élévation, puis se prosterne, et enfin, s’exalte mains tordues vers le ciel et ses noires chevauchées de cumulus : Gloire aux Ombres perdues de nos Guerriers pleins de vaillance,  à nos Kamikazes portés comme autrefois par un Vent divin. Gloire au valeureux, à l’intrépide général Tomoyuki Yamashita, conquérant de Singapour. Gloire à l’amiral Nomura, mais aussi à Hideki Tojo. Gloire et Honneur à Isoroku Yamamoto, à Mishimura, à Chuichi Nagumo, à Gunichi Mikawa, à Shigetouri. Et aussi, et surtout, Gloire au lieutenant Hirôô Onoda !

Hirôô Onoda a refusé la défaite. Hirôô Onoda  a gardé ses armes, et ses  soldats. Prestigieux Seigneur de la guerre, il a continué le combat, dans la jungle des Philippines. Chaque soir, en contemplant la nuit silencieuse, il pensait retrouver sa Grande armée et disait « Le Ciel est plein d’étoiles qui sont des Soldats. Morts ils bivouaquent là-haut, comme ils bivouaquaient là­ bas ! » Lui aussi tendait chaque soir les mains vers la déesse Amaterasu, pour ne pas céder à la désespérance, ces mains crispées, tourmentées, presque prédatrices. Les mains du Christ de Matthias Grünewald au retable d’Issenheim. Et cependant, jamais il ne céda ! Passèrent les jours, passèrent les mois, passèrent les années. Et le Lieutenant Onoda écrivait, pour lui tout seul, l’une des plus invraisemblables épopées de l’ histoire des Hommes.

Vers la fin du mois de décembre de l’année 1944, son commandant, le major Yashimi Taniguchi, en le quittant sur la plage de l’île de Lubang, lui avait simplement dit : «Je reviendrai un jour, bats-toi pour l’Empereur et ne te rends jamais sans mon ordre ! » Le lieutenant avait juré. Lui, qui tenait ses hommes dans une discipline de fer, ne se rendit jamais. D’obscures escarmouches en combats ignorés, l’un après l’autre, ses soldats héroïques tombèrent comme s’écoulaient les années, tuant une bonne centaine d’assaillants. Ils moururent dans la foi en leur Empereur, en cette épique tragédie, sans avoir reçu les récompenses qui leur avaient été promises. Ils les avaient simplement aperçues et saluées de loin, ayant fait profession de rester étrangers et voyageurs sur la Terre. Et un jour, le major Tanigushi revint en effet pour obtenir la reddition de son lieutenant. Mais, depuis son adieu sur la plage de Lubang, trente années venaient de s’écouler! Nous étions en 1974. Et nous allions vivre un instant exceptionnel dans l’histoire des Hommes.

Vêtu de son uniforme en lambeaux, qu’il avait entretenu avec soin pendant toutes ces années, portant son fusil d’assaut Arisaka type 99, en parfait état de marche, sabre au coté, 500 cartouches et six grenades à main, un spectre si pâle dans la joyeuse lumière d’une aurore des Tropiques, un spectre venu d’un autre monde venait de se matérialiser à la lisière de la Grande Forêt d’Emeraude et s’immobilisait, énigmatique, sur la plage, devant les rouleaux grondants  de la mer de Chine. Bouleversé, les yeux brouillés de larmes,  le major Yashimi Tanigushi s’avança comme dans un rêve vers la silhouette immobile, fusil d’assaut à la main. « Où sont les autres ? », demanda l’ancien officier, la gorge serrée d’émotion devant le vieux soldat méconnaissable.      

Les yeux pleins de mélancolie et de rêve, Hirôô Onoda, l’homme d’un fabuleux Ailleurs répondit lentement : « Yuichi Akatsu a été capturé, il y a longtemps. Siochi Shimada, lui, a été tué au combat, il y aura vingt ans au mois d’ avril. Le caporal Kinshichi Kosuka, blessé au ventre lors d’une attaque des forces philippines, est mort en janvier 1972. Je suis seul depuis bientôt trois ans. » Le major Tanigushi répondit, plein de tristesse navrée: « La guerre est finie depuis trente ans. Même son souvenir s’estompe dans la mémoire des hommes du Soleil Levant. Lieutenant Hirôô Onoda, jamais un soldat n’a défendu comme vous son Honneur et sa Fidélité. Je vous délivre de votre serment, vous pouvez déposer les armes ! »

Honneur et Fidélité donc à toutes ces Ombres tristes et vaincues, dont les âmes maintenant réunies reposent dans l’impressionnant silence du grand temple Yasukuni. Et saluons aussi avec respect le courage, en cette misérable époque maudite, de Yunishiro Koïzumi et de Shinzo Abe, preux serviteurs de !’Empereur, qui eurent l’audace de venir à Yasukuni s’incliner devant leur vaillance, et leur rendre un éternel hommage, au paradis des hommes forts, par le désert d’un long courage.

Brisée par l’émotion, Yoshiko, silencieuse et prostrée, méditait sous la Lune. La brise du soir, le hupé, souffle sur les cerisiers séculaires qui saupoudrent d’une nuée de pétales les épaules de l’homme en méditation. Sous cette neige venue des vertes prairies du Grand Manitou, Jean prononce doucement: « Isabelle ? Isabelita, mi amor » puis, lentement, en articulant d’une  étrange manière saccadée : « Il-y-a-v ait ce jour-là plus de cent-mille so-leils sur la place de la paix à Hiroshima ». (Les deux derniers mots doivent exploser et faire sursauter l’auditeur) et toi ? Où étais-tu ce jour-là ? A Hiroshima ? » Isabelle répond : « Non! (silence prolongé). Non, j’étais à Ne-vers !

  • Tu étais à ne-vers ?
  • Oui, j’étais à Ne-vers ».

Long silence qui doit se prolonger jusqu’à l’extrême limite d’exaspération du spectateur.

  • Tu-étais -vrai-ment à Ne-vers ?
  • Oui ! Oui ! J’étais vrai-ment à Ne-vers !

On comprend qu’elle était vrai-ment à Ne-vers ! C’est un texte     rude, sans concession. C’est du Marguerite Duras.

  • Tu reviendras?
  • Où?
  • A Hiroshima.

Long silence ! Jean, soudain:

  • « AAARRGHLEUH ! « 
  • Isabelle à l’unisson:
  • « AAARGRR ».
  • Tu me tues, tu me tues, tu me tues et tu me fais du bien / Aime-moi ! Aime-moi ! et défigure-moi jusqu’à la douleur /Tu es fait à la taille de mon corps même, dans cette ville faite à la taille de l’Amour !

Elle hurle tout à coup:

  • Tords-moi ! Déforme -moi ! Fouille-moi ! / J’ai faim de tes baisers profonds ! / Je veux manger tes lèvres ! Je veux manger ta langue ! Et puis ta glotte ! Ton cavum ! Et aussi Tes amygdales! (La déclamation devient de plus en plus stridente) Ton œsophage, ton estomac, ton duodénum, ton gros intestin, ton sigmoïde, ton rectum.

Elle rit.

  • Ah ! je vois enfin le jour !

L’expression soudain hagarde :

  • Fais moi glou-glou !

Mitsuhirato :

  • Mon Kokoroko à son Koko, à Hiroshima, on ne fait pas glou-glou! On fait boum-boum Plutonium !

Isabelle :

  • Demain, nous partirons pour Rome ! La ville éternelle ! Je t’emmènerai prier et demander pardon à San Giorgio Maggiore! Et puis à San Rigolo Marinetti, à San Gorgonzola degli Schiavoni, à San Piccolo Pippioli.

Cé ouné saga Garçonne ! Anda lé Zapata et Olé !

PREMIER MOUVEMENT

Andantema non troppo, con molto pizzicati, parmesan, mozarella, osso buco y lasagne.

  • Jean est a  Kernod! Si senor ! Jean ? Oui, Juan. Depuis lundi dernier. Pas possible ! Puisque je te le dis. Il a débarqué au golf, Juan, avec quelques rugueux loués à la  société Blackwater.
  • Çà alors, et Isabelle?
  • Isabelle est partie se ressourcer à  New-York. Marielle l’accompagne.
  • Marielle ?
  • Mais oui, Marielle, figure emblématique de la Résistance.Connue dans le réseau Aubrac sous le pseudonyme « vendanges tardives ».
  • Jean part pour Paris expédier les affaires courantes. Isabelle rentre sur Ibiza colmater la piscine. Mais ! Mais la place de Jean est réservée sur le vol 714 d’Iberia, Paris-Ibiza?
  • Bien sûr, car Isabelle revient à Kernod tailler les rosiers.

Hortense Lahuron, toujours constipée, dort dans les latrines. Jean met son boubou : il dîne chez les Tutsis avec Blaise Compaoré. Isabelle déjeune chez les Hutus avec Denis Sassou N’Guesso.

  • Oh la la!  Ho la la la. Ho la la hi, youh-hou-hou, ti ho li ho li ho, halle­ loujah, Hei-Li, Hei-Lo !

C’est Marielle qui chante le Beaujolais nouveau à Montigny-Le-Bretonneux. Jean mastique frénétiquement  l’andouillette à Guéméné-Penfao. Isabelle plonge en mer Baltique à bord d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins. Là-haut, Jean passe en orbite géostationnaire sur la navette Challenger.

Isabelle rase Poutine à Nijni-Novgorod. Jean masse Winnie Mandela à Johannesbourg. C’est le « Jean de la pute noire ». Isabelle téléphone à son ami Louis Coste, dit  Lolo, médecin généraliste à Primelin:

  • Lolo ! Je suis un peu inquiète, Jean prétend qu’il est Rodrigue Diaz de Bivar !

Et voilà le toubib qui débarque à Kernod. Jean, furibard :

  • Isabelle ! Pourquoi as-tu appelé Lolo Coste ???

Isabelle :

  • Mais parce que tu me gênes, ô Cid !

Jean écrase les phalanges de Patrick Dupin en une poignée de main sournoise et sadique. Patrick, au moment tempestif, lui administre un croc en jambe et Jean, tête première, plonge dans une fosse à lisier. Il fait « gloup ! gloup ! » Jean, travesti en agent de police, se penche sur Isabelle, carrément lascif, et dit :

  • Tu aimes l’odeur de mes cheveux, dis, hein,   hein ?

Mais il a oublié un truc : Même de police, l’ agent n’a pas d’odeur!

Isabelle reçoit une amie sur le tarmac d’Orly. Elle est en ébullition. C’est ma belle-sœur, Marie-Françoise, toute caquetante, qui rentre de Vienne! Sur les collines de Grinzing elle a…

  1. dégusté le Heuriger ;
  2. visité le château de Schönbrunn ;
  3. admiré au Kunsthistorisches Museum la salière de Benvenuto Cellini ;
  4. et découvert que Sissi était en réalité une princesse autrichienne et non la saucisse juste sèche de Justin  Bridoux.

DEUXIEME MOUVEMENT

Allegretto molto vivace, pero e pericoloso sporghersi, con molto chianti saltimbocca di maiale alla pesto genovese. Musica :  »Hijos del Pueblo » hymne de la fédération anarchiste ibérique. El batallon Edgar André : Volveran banderas victoriosas, al paso alegre de la paz / Y sera prendidas cinco rosas, las flechas de  imhaz / Volvera a reir la Primavera, que por cielo, tierra y mar espera.

« Mets de l’amertume dans ta guitare et de la tristesse dans ton vin »

  • Ay ! Companeros, j’ai Juan Garçon au Tercio et Isabel aux Regulares.
  • Et Marielle !
  • Ay Marielle ! Prisonnière à Alcala de Henares.
  • Et Hortense ??? Vous savez où elle est Hortense ?

TROISIEME MOUVEMENT

Moderato cantabile… Terribile emmouscaillo son las veinti cuatro de la noche.La noche triste! La noche cerrada!

Dernières nouvelles du front, aux environs de Teruel. Isabelle se passe frénétiquement la main dans les   cheveux. Jean se gratte les valseuses d’un air dubitatif. Hortense, toujours claquemurée dans le buen retira, braille à tue-tête « Mambru se fue a la guerra, que dolor ! Que dolor ! Que pena ! » Les douze coups de minuit sonnent. Et soudain…

  • DIEU, C’EST LE ROI !

Entrent le roi Juan Carlos de Bourbon, Sophie de Grèce, Jaïme de Marichalar, l’infante Helena, seigneurs de la suite royale, l’archevêque de Ségovie. Un ours! Tambours, hautbois et torches, Une lande près d’Invemess et de Kernod. Le roi d’Espagne va donner au Journal Hodiern-To-Day une interviouve affolante et totalement déjantée :

H-T-D- :

  • Oui, je suis de votre Majesté de votre suite. Jamais Seigneur baisant votre Ombre, ou majordome, ayant à te servir abjuré son cœur d’Homme, jamais chiens de palais dressés à suivre un Roi ne seront sur tes pas plus assidus que Moi ! Votre Majesté daignera adresser quelques mots aux indigènes du Cap ?

Le Roi :

  • Si Senor, caramba. (Il hurle soudain) Yé souis lé Rôaa d’Es-pa -a-gneu, Yaime lé fiiilles Ozieu noa-ars La Hô dans la monneta-a-gneu, yirai dan-nsé tou lé sôa-ars.

H-T-D- :

  • Certes Sire, certes, mais comment avez-vous vécu le départ de José­ Maria Aznar, et l’arrivée de l’Infâme Zapatero, cette répugnante fripouille ?

Le Roi (il hurle) :

  • Yé souis lé Rôaaa d’Espa-A-Gneueueu, yaimé lé fiiiles ô zieux  noaaars

D’un revers de coude il renverse son verre de whisky Defender Success Very Classic Pale sur son pantalon. Vincent Mével, rédacteur en chef du journal Hodiern-to-day, se rue, muni d’une serviette éponge.

Vincent Mével (il hurle à son tour) :

  • J’essuie le Rôaaa d’espa-a-gneueueu, il aime les fiiilles aux yeux noi-ars !

L’ours, qui se manifeste enfin :

  • Grooooaaarghhheuhh !!!

H-T-D-, carrément affolé !

  • Mais qu’est-ce que c’est ça ?

Le  Roi, négligemment :

  • C’est un ours !

H-T-D- :

  • Tiens donc !!! Un ours?

Le Roi, impavide : 

  • Pourquoi pas l’ours?

H-T-D – :

  • C’est là qu’est l’os !

L’ours :

  • Je suis le ténébreux, le veuf, l’inconsolé…. Le mari de Cannelle par les chasseurs occis, ma seule étoile poilue est morte assassinée, Chirac s’en est ému de la glotte au pelvis.

Le  Roi, soudain puriste :

  • Cannelle?  Une femelle, « occis » ? Voyons, l’ours : « occise ».

L’ours :

  • Sire, pardonnez-moi. Se reprenant: Je suis le ténébreux, le veuf, l’inconsolé,  le  mâle     de  cannelle  par   les  chasseurs « occise », ma   belle   étoile poilue est morte assassinée, Chirac en a frémi, du paf à la symphyse. Ça va mieux comme ça ?

Passe un Anglais énigmatique… Il chuchote :

  • Je crois que le merlu est recuit sur la table (jeu de mots intraduisible en français).

Le Roi :

  • Au palais de la Zarzuela, j’ai vu soudain quatre roses et j’ai proclamé : « Bourbon Four Roses… toute la saveur de l’Amérique ».

Il lève son verre et prononce lentement :

  • Per Horus et per Ra et per Sol invictus !

Enorme explosion ! Disparition du roi et de sa suite dans un énorme rond et là, tout le monde s’interroge : Faut-il mettre un terme au Maître ? (un thermomètre, voyez ?). Juan Carlos, c’est le quoi des ronds.

POSTFACE

Dans cette geste, le premier Daymyô de Sakurajima, Jean, chante le célèbre Naga-Uta de Po-kyu-yi, La chanson des Pins, extraite du Kokinshyu de la période de Heian, en l’honneur du Shogun. Jean porte un feutre mou de chez Léon, chapelier des artistes de Paris.

Isabelle, à la ville comme à la campagne, est habillée par Christian Lacroix. Elle est coiffée par Michel Bourdon. Les tenues de Marielle, très vintage, sont griffées Jean-Claude Jitrois.

Jean-Eugène Borie, propriétaire du château Ducru-Beaucaillou, la Société Fermière du Château Léoville-Poyferré, Georges Thienpont, du Vieux château Certan, Jean-Michel Cazes, du château Pichon Longueville Comtesse de Lalande, Prats S.A., du château Cos d’Estournel ont tout au long de la soirée abreuvé et su étancher la soif ardente de nos trois héros : Marielle, Isabelle et Jean. Cependant, ils tiennent à décliner toute responsabilité dans le chahut et les hurlements sauvages de nos héros en sarabande, qui secouent la lande de Kernod en cette fin de nuit.

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