A Monsieur le médecin-chef de la Caisse mutuelle des Enseignants

Monsieur et cher confrère,

J’ai l’honneur, et le privilège de solliciter de votre haute bienveillance, à la demande et au bénéfice de mon patient : Poilodeur Léon Corentin Marie, domicilié au hameau de Kervocul en Plougastel-Daoulas.

Né à Douarnenez le 25 septembre 1956, membre honoraire du corps enseignant, dont vous ne connaissez que trop bien l’indomptable énergie au travail, sinon les cadences infernales des corrections de copies le soir à domicile, la reprise immédiate de ses versements d’indemnités journalières dont il avait la sereine jouissance, avant que ne tombe, en épée de Damoclès, votre décision suspensive du 7 novembre 2001.

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Le couteau

En souvenir de Saïd

Il faisait en ce temps-là un soleil de saison et il y avait beaucoup de joie dans les cœurs. Noyé dans la béatitude, je barbotais depuis deux bonnes heures dans une eau qui affichait 31 degrés… Cependant, comme à mon habitude, c’est à regret que je quittai, ce jour-là, mon havre parisien de volupté aquatique sur les bords de la Seine. J’ai cité : LA PICINE DELIGNY !

La piscine Deligny. « La seule piscine de Paris approvisionnée en eau potable », proclamait fièrement la pancarte vermeille de l’entrée. 

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Je venais d’entrer en Paradis

Chères Amies, chers Amis

Me voici en train de classer d’innombrables paperasses abandonnées depuis des dizaines d’années sur les étages peu accessibles de ma bibliothèque. Je tombe sur un numéro de l’ILLUSTRATION de 1845 représentant la baie d’Hakaui à Nuku-Hiva, des Îles Marquises.

C’est simple, nous voici devant l’une des dix plus belles baies du monde. Un beau jour d’été austral, de cet été si court, si chaud, si mélancolique mais si bienheureux, je m’y étais endormi sur la plage. Réveillé en sursaut par le saut d’une raie manta, j’ai bien pensé que je venais d’entrer en Paradis. 

Au fond de la vallée tombe une cascade de 350 mètres de hauteur, plus haute que les Sutherland Falls du Milford Sound en Nouvelle-Zélande, c’est vous dire.

Je repense à Henri, arrière-petit-fils de Stanislas Taupotini, l’ultime Tomana de la vallée depuis lors désertée, mais aussi au petit-fils d’un de mes vieux amis. Il me sculptait des tikis que je revendais à l’époque rue du Prince Hinoï, à Papeete. Soudain saisi d’un vertige typiquement marquisien, il a voulu y renouer avec de vieilles coutumes locales, dite du « cochon long », au détriment d’un touriste allemand, sa façon à lui de « bouffer du Boche ». Mal lui en a pris : il est en villégiature prolongée, loin de l’ensorcelante baie d’Hakaui, à Fleury-Mérogis, je crois.

Bonne et heureuse année à vous tous.

Raoul

Les Marquises cannibales: Illustration de « Taïpi », roman de Herman Melville.

Mort au champ d’étoiles

Comme chaque soir, le Ma’aramou, ce vent de mer à la fraîcheur divine, caressait nos visages de son haleine voluptueuse et mouillée.

Vous reviendrez un jour à Taïpi-Vaï et Clément Falchetto vous prêtera bien un cheval pour y monter. C’est ainsi que trois mois plus tard, dans un demi-jour de cathédrale, je grimpai sur un mauvais cheval, au sein d’une forêt de « mapès », vers le fameux Tohua vanté par mon ami.

Un débarquement à l’aube dans une île polynésienne est un moment inoubliable de l’existence… Comme cela pouvait être exaltant dans la divine fraîcheur de l’aurore de voir naître un monde !

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Zamboanga mon amour !

Mars 1985, aéroport de Cagayan de Oro, en route pour Mindanao. 

BERNARD : Dis-moi ! Tu as vu ce mec ? Non pas celui-là… L’autre, là-bas, tout rouge… Il a une bobine qui ne m’inspire vraiment pas, observe-le bien : Il a un paquet sous le bras qu’il n’arrête pas de surveiller… Et si c’était une bombe ? Tu sais que le N.P.A. recrute depuis trois mois des mercenaires européens.

N.P.A. = New People Army, guérilla financée et soutenue par la Chine contre Ferdinand Marcos.

RAOUL : Mais enfin, il vient de passer sous le portique, ce mec !

BERNARD : Mais je te dis que non, bon sang, les passagers en transit pour Davao, Cotabato et Zamboanga ne sont même pas contrôlés. Ils s’en foutent complètement. Ici, c’est le groupe Abu-Sayyaf qui fait la loi.

Le terroriste rubicond du N.P.A., l’émotion, faut comprendre, manipule effectivement sa boite avec d’infinies précautions. Il est vraiment rouge comme un pouce-pied hirsute et arbore d’énormes lunettes de myope qui le font ressembler à un crapaud-buffle… Il semble soudain prendre conscience que nous le fixons avec une relative hostilité et nous adresse un sourire niais.

Aéroport de Cagayan de Oro.

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Aventures aux îles Hanish

Allongé à plat ventre sur le château arrière de notre boutre, me voici bien occupé à régler mon vaillant téléobjectif Leica de 180 mm braqué sur le port d’Assah qui se profile sur l’horizon, sur la côte éthiopienne déclarée « zone de guerre ».

Ce matin, et ce non sans un incontrôlable serrement de cœur, nous avons quitté les eaux territoriales françaises à Raz-Doumeira et salué le bouquet de palmiers-doum, plantés jadis sur le Cap-Raheita par ce grand seigneur local de la flibuste: Henry de Monfreid.

Ça y est, j’ai la grande mosquée d’Assab dans le viseur, je vais appuyer sur le déclencheur mais voici qu’un main vigoureuse m’empoigne l’épaule gauche et me secoue frénétiquement. Je me retourne furieux. C’est le septième membre de notre groupe, le visage décomposé, qui me lance affolé : « Regarde ce qui nous arrive dessus ! »

Je me redresse et aperçois sur tribord un garde-côtes à la mine patibulaire…

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Les années lointaines

Raoul à 3 ans

En dépit de l’amour profond que me portaient mes parents, j’errais au fil de l’eau, assez abandonné à moi-même je le sais bien, que voulez-vous, c’était inévitable, compte tenu des circonstances. Mais c’est ainsi qu’il me parut un jour tout à fait raisonnable d’entrer dans la voie de la «collaboration». Avais-je d’ailleurs d’autre choix en cette solitude quotidienne d’une prime jeunesse enfuie?

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Une étrange rencontre sur le Zocalo de Villa Hermosa

  • Désirez-vous un peu de champagne avec votre caviar ?

Penchée sur Bernard et Geneviève, l’hôtesse de l’air d’Aeroméxico sollicitait avec une déférence d’un autre temps l’attention des hôtes, à une époque où les transports aériens ne s’étaient pas encore démocratisés.

Axayacatl, empereur aztèque de 1469 à 1479

Le Boeing 777 venait depuis seulement quelques heures de quitter Paris-Charles-de-Gaulle et nous n’appartenions déjà plus à ce monde car nous avions la troublante impression que le pays de Moctezuma-Xocoyotzin, Le Seigneur de la Maison de l’Aurore, allait soudain nous sauter à la gorge avant de nous coucher sur le Chaac-Mool du temple d’Huitzilopochtli à Tenochtitlan, et de nous offrir une place, notre place, sur le Tzompantli sacré d’Axayacatl.

Comment ne pas ouvrir ici une parenthèse, destinée d’emblée à vous mettre dans l’ambiance du Mexique ancien ?

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Avec Bernard à Palenque

Bernard, mon vieil ami Bernard est mort ce matin en cueillant des roses dans son jardin. Cette mort est survenue de manière si soudaine qu’elle lui a évité désespoir et inutile souffrance

Cher Bernard, comment cette amitié de plus d’un demi-siècle a-t-elle pu germer, se développer et se maintenir tout au long de ces merveilleuses années ? Je crois que je le sais, moi.

C’est Alberto qui m’a fait craquer, Alberto, cet homme au destin extraordinaire avait scellé notre groupe pour la vie, jusqu’à ce jardin de roses au soleil levant, et l’ombre qui guette, sournoise derrière un massif de rhododendrons.

Le Chevalier, la Mort et le Diable / Albrecht Dürer

Bernard, Alberto et Raoul, c’était un peu Le Chevalier, la Mort et le Diable d’Albrecht Dürer, et surtout et, surtout, ne commencez pas à chercher qui est qui.

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Censure

Quand ai-je commencé à me battre contre la censure?  Je crois que c’est en terminale, au lycée « La Tour d’Auvergne » de Quimper, où un événement historique m’opposait au prof d’histoire-géo, Max Thomas.

Nous avions en ce temps-là trois profs d’histoire-géo au lycée, trois communistes bon teint.

Evidemment  l’ »histoire officielle »  enseignait à l’époque (1956) que c’était la Wehrmacht  qui avait assassiné les 15.000 officiers Polonais, en particulier dans la forêt de Katyn. Il fallait d’ailleurs l’apprendre par coeur.

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