Dans les rues de Sanaa

Au commencement la terre était informe et vide, les ténèbres couvraient l’abîme… Mais l’Esprit de Dieu planait sur les eaux.

Il avait plu, il avait plu, mais plu comme jamais, du Bab-El-Mandeb, la grande porte des pleurs, jusqu’à l’Hadramaout, et le Rub-Al-Khali, ce farouche désert de pierres et de sable, où l’implacable soleil brisait les rochers les plus durs. Toute la terre avait sombré au sein d’un océan sans limites.

Mais un jour, un immense vaisseau était sorti des nuées de l’aurore, son étrave avait raclé le fond de cette mer qui jour après jour montait au firmament, et se volatilisait en épais brouillards. Sem, fils de Noé, Sem, le juste, celui qui marchait avec Dieu,venait d’apparaître sur la proue de son arche échouée aux flancs du Djebel Nogoum, il avait longuement scruté l’horizon du pays de Sennaar et il avait déclaré: « Ici, je construirai une ville que rien au monde ne pourra égaler. Elle sera l’incomparable capitale de la Terre et je la nommerai : SANA’A.

Les millénaires ont passé, voici donc Sana’a l’immortelle. C’est au coucher du soleil qu’il faut apprécier la ville, lorsque le ciel du soir s’ensanglante en incandescences diaprées et que, de ses roses architectures, monte la formidable clameur de ses muezzins qui, d’un minaret à l’autre, s’interpellent, répercutant sur les innombrables terrasses les paroles sacrées du Prophète.