Madagascar mon amour !

 UNE PASSION TORRIDE SOUS LES TROPIQUES

Allez, dites-moi : Vous avez aimé « Paul et Virginie » de Bernardin de Saint Pierre ?

Vous avez pleuré en admirant la sublime pudeur de Virginie qui va choisir la noyade plutôt que dégrafer son corsage, d’ôter sa robe, et de révéler sa succulente innocence à Paul, Paul… infiniment troublé. Bien sûr ! Bien sûr, c’était un roman, mais ici !!!

MAIS ICI ! C’est du vrai, du vécu, de l’authentique, du solide que je vais vous livrer tout cru… Dégustez-moi donc cette tranche de vie, ce « steak tartare… », assaisonné de tous les débordements de l’âme :

Et maintenant… Je vous présente Philippe Viguier ! Un Français pur souche de cinquante-deux printemps ! Philippe est un type épatant. Travailleur ? Ah ça, oh oui ! Gentil, boute-en- train, souriant, généreux, pompier bénévole… Rompu au « bouche à bouche », au massage cardiaque, à tester le berlingot, et à brailler l’évangile à l’office du dimanche. Timide et discret ? Ah oui, une discrétion de rosière…

Ce charpentier infatigable, depuis sa lointaine adolescence, n’a pas économisé sa peine : Le voilà à la tête d’une florissante entreprise de menuiserie dans les Vosges, qui fait vivre une bonne trentaine de Vaillants tâcherons ! Et la besogne ne manque pas, ici, le chômage, c’est simple, on ne sait même pas ce que ça veut dire.

Mieux encore : LUI ? Ni plus, ni moins que la discrétion d’un Xavier Dupont de Ligonnès en virée nocturne à Roquebrune-sur-Argens, Rien de moins… Sacré Philippe !

Seulement voilà ! A cinquante-deux ans, Philippe n’est tout simplement pas heureux.

Que je vous explique : Philippe est un homme seul, tout seul, et célibataire ranci ! Presque avarié diraient les méchantes langues. Pas de femme, pas de maîtresse, jamais eu la moindre liaison.

Philippe avait atteint sa majorité en croyant que les femmes portaient par devant les mêmes attributs que les hommes. Et que c’était par bienséance qu’occultées de feuilles de vignes providentielles, on ne représentait pas ces merveilles sur tableaux et statues.

La croyance que son corps était un objet répugnant, lui tourmentait l’esprit… Il l’était en effet… Mais les femmes ne sont pas si regardantes. Et le tout assaisonné de cette timidité congénitale qui, l’alcool aidant, le situait toujours dans l’outrance, lors d’un usage tout à fait occasionnel

Les années avaient passé, et Philippe était resté désespérément seul ! Autour de lui, tous ses copains – et Dieu sait s’il en avait – Dédé le garagiste, Jojo le mécano, François l’assureur, Jacquou le négociant en pinards, tous ses potes, quoi, étaient mariés, chargés d’enfants, et de petits enfants… Et lui ?

Rien ! À la maison le silence oppressant du canot à pétrole qui tombe en panne en mer… Examinons Philippe … D’abord, c’est vrai qu’il n’est pas beau. Un examen attentif nous amène à cette conclusion attristée : Il ressemble à une grenouille… à une courge… Ou à une tortue-boîte. Et quand il sourit, sur une dentition dévastée, irrémédiablement abandonnée au cassoulet, aux sardines à l’huile et au Munster fermier… Ou quelques rares incisives jouent le dernier carré de Waterloo près de la ferme du Mont-Saint-Jean !

Quand il sourit, il atteint d’emblée le degré 22 de magnitude sur l’échelle de Julia Roberts. Ajoutez à cela deux yeux globuleux en billes de chouette-hulotte, surplombés au vertex d’une touffe de poils de style « Riquet à la houppe ». Bon ! Vous comprenez maintenant, que notre cher Philippe, rigoureuse antithèse de Robert Redford, n’avait jamais été placé en pôle-position pour la chasse aux cailles. Pour couronner le tout, notre « Tortue-boite » ne savait vraiment pas comment s’y prendre avec le beau sexe.

Que je vous explique : Après avoir mis le starter à l’aide de quelques scotchs bien tassés, il s’avançait, précédé de deux grosses paluches, façon sacs de pommes de terre, avides de tâter, de frotter, de palper solide… Bref ! De quoi faire fuir toute une basse-cour terrorisée désordonnée et glapissante… Cinquante-deux printemps de galère et plein de bons copains, mais pas de jouvencelles ni ce qui va avec !

Voilà-t-il pas qu’en 2014, par le plus grand des hasards, notre batracien découvre… MEETIC et les RESOSOCIOS ! Merveille ! Phiphi peut enfin s’avancer masqué, nouer des relations féminines intéressantes… Et ça marche ! Et ça marche !

C’est ainsi qu’il va faire la connaissance de « SONYA » (Avé un y… C’est quand même plus chouette…Puisque je vous le dis.) Et il ne lui est pas indifférent… En à peine une semaine, l’eau commence à bouillir dans la casserole, Et le lait … de « monter au feu » !

C’est l’Amour tout simplement ! L’Amour chez les vieux, cela fait rire les jeunes, ils ne savent pas que lorsqu’ils seront Vieux, cela les fera pleurer ! Sonya a 47 ans, ancienne actrice, elle en a gardé l’apparence et le maintien… Puis, elle s’est reconvertie en sage-femme à l’hôpital.

Bon, elle a deux grandes filles d’une précédente union avec un gynécologue, mort d’un arrêt cardiaque en tentant de sauver les fillettes de la noyade. Le car venait de sombrer dans une rivière en crue par temps d’orage.

Elle désire maintenant trouver le Grand Amour ! Et voilà notre Philippe (Filou pour les copains) qui barbote dans le bonheur. Dans ce petit village des Vosges tout le monde connait maintenant SONYA ! Sonya, dont les photos avantageuses sont punaisées dans toute la maison, les bureaux, les hangars… Et même les toilettes.

Et non sans superbe, Filou exhibe les messages qu’il reçoit : « Tu as traversé ma vie comme une brise chaude dans le désert du Tibesti ! » « Cher Amour, nous nous reverrons demain, et Demain, et encore Demain ! »

A la dernière missive, les plombs sautent, ça sent vachement le cramé, c’est le méga court-jus, je vous le dis ! Écoutez plutôt : « Si tous les océans étaient de l’encre et tous les continents du papier à lettres, je n’en aurais pas encore assez pour te dire combien je t’aime ! » Là, c’en est trop, la coupe déborde, Filou décide de s’en aller visiter Sonya, avec ou sans « y »

ATTENTION ! Il s’agît là d’une véritable expédition ! Car en cinquante-deux ans d’existence, Filou n’est jamais sorti de son village des Vosges… Sauf une fois : à Raon-L’Etape, pour un repas de communion. Au restaurant de la mère Courtecuisse.

Et Sonya, je ne sais pas si je vous l’ai dit, exhibe sa plastique tropicale à 6000 kilomètres de la ligne bleue des Vosges ! Sonya, digne sujette du bon président : Andy Rajoelina Ravalomanana. Si vous n’en avez pas assez, on peut vous en rajouter un peu : Rajoelina Rimanpianinagolondrinatravadja ratovondriaka_Pouic-pouic ! Ça vous va comme ça ?

Bref ! Sonya est une citoyenne malgache de Tananarive, pardon Antananarivo ! Comment ? C’est une noire ? Non ! On n’a plus le droit de dire ça ! Elle n’est pas blanche non plus ? Non bien sûr ! Allez, On va dire qu’elle est beige !

Filou passe à la banque d’Indochine et de Suez, en sort doré sur tranches et, escorté de sa garde d’honneur, gagne l’aéroport, accompagné de Dédé le garagiste… Comment vous dire: C’est un peu le marathon de New-York couru par un escargot de Bourgogne.

Non ! Mais c’est pas vrai !!! Avant le départ, le voilà qui farfouille fébrilement sous son siège. L’hôtesse : « Monsieur ? Vous cherchez quelque chose ? » Filou :« Je ne trouve pas mon parachute » « Mais enfin, Monsieur, nous n’avons pas de parachute à bord ! » Filou : « Mais alors, et si l’avion tombe ? » L’Hôtesse : « Mais, monsieur les avions ne tombent jamais ! » Filou, pas rassuré du tout : « Ouais ! On dit ça ! ».

Dix-sept heures de vol et trois heures d’escale aux Seychelles, voici notre Filou, complètement hagard, qui titube sur l’aéroport d’Ivato-international. Il s’avance, sa petite valise à la main, au-devant d’une foule odorante et hilare qui paraît attendre quelqu’un. Le voilà qui se retourne mais il n’y a personne car c’est LUI que l’on attend !

Fringante et superbement allurée comme une frégate de 74 canons aux sabords : C’est SONYA la mûlatresse, inondée de larmes qui lui tend les bras ! Elle l’embrasse, « premier baiser de sa vie ! » Il ne peut plus se décoller ! La foule exulte et applaudit. Pousse des « YOU ! YOU ! » d’enthousiasme frénétique : Nous sommes à Tananarive. Pas à Lampaul-Plouarzel !

Voici deux jeunes filles qui lui sautent au cou, l’enlacent en l’appelant : PAPA ! PAPA ! PAPA ! Ce sont les filles de Sonya ! C’est l’apothéose à Ivato international Airport.

En deux jours le mariage est décidé, organisé tambours battants, Sonya va même dénicher un vrai Vaza expat, pour lui servir de témoin. Le maire, un vrai curé, style « Tintin au Congo », 80 personnes, une bamboula à tout casser… A tout casser, vous dis-je.

Au-delà de danses traditionnelles, le final : Une ronde avec au centre… Monsieur et Madame Philippe Viguier, qui restera gravée dans les mémoires et dans les cœurs puisque, le cercle se resserrant, la danse prit fin alors que les danseuses couronnaient le couple et qu’éclataient le « Tanindrazanay malala youpiii », (Ô terre de nos ancêtres bien aimés) et le Mifankatiana ihany (Aimons-nous encore pendant qu’on vit).

Cinq semaines de lune de miel attendaient Filou, à l’issue desquelles il regagna les Vosges sur un petit nuage tout rose. Et cette fois sans se soucier de son parachute. Ah ! retrouver Raon l’Etape et l’auberge de la mère Courtecuisse déjà noyée dans de froids et précoces brouillards d’automne ! Filou se morfond une bonne dizaine de jours avant que Sonya ne lui porte l’estocade, la Suerte de Vara mais une Suerte de Vara digne d’un Antonio Ordonez, à Puerto Santa Maria. Peut être même d’un Manolo Rodriguez Sanchez aux arènes de Linares. Sans le taureau « Islenio » de sinistre mémoire, bien sûr !

Dans une missive de Tana trempée de larmes, elle lui annonce qu’elle est enceinte ! « Filou ! Tu vas être PAPA ! » Pavillons hauts, Filou sombre corps et biens ! Allez hop, il va tout vendre, maison, voitures, outillages, entreprise, rigoureusement tout, c’est clair ? Et devant ses vieux amis un peu désemparés quand même et inquiets autant qu’il faut, il va réinvestir sa fortune … à Madagascar !

Jeannot, le mécano et Dédé le garagiste tentent bien de lui faire remarquer qu’il ne peut posséder en son nom propre de bien immobilier à Madagascar, n’étant pas lui-même malgache, un peu comme aux Philippines ! Ce n’est pas grave, va t’il répondre ingénument. Ce qu’on peut être con, Seigneur !  Je mettrai le tout au nom de ma femme ! Et, dans la foulée, de réinvestir toute sa fortune dans la grande île !

Début novembre, il reprend l’avion pour l’hémisphère sud, il y achète une maison, un commerce… une superbe Mercedes devant laquelle il trône en grand blanc, Rolex de plongée au poignet gauche, lourde gourmette d’or au droit… Il en est presque devenu beau ! Et les copains, qui claquent des dents dans les Vosges, d’être inondés de messages enthousiastes, presque quotidiens : Philippe crawle dans la délectation.

Fin novembre, tout va toujours très bien … Mais Dédé le garagiste, psychologue à ses heures creuses, entre deux vidanges, croit déceler… Croit déceler ! Quoi ? Qu’est-ce que vous dites ? Non rien, oh non rien, trois fois rien… Comment dire ? Si ! Un petit quelque chose quand même… Une petite baisse de pression peut-être ? Et voici décembre, émondeur de vieux arbres !

Et cette fois, plus de nouvelles, c’est Sonya qui répond désormais aux mails. 25 décembre : Pas de « Joyeux Noël » de Filou ! Premier janvier : Pas de vœux non plus ! 15 janvier : C’est la panique dans les Vosges, suivie d’un « Conseil de Guerre », présidé par Dédé le Garagiste, l’ami de cœur. Il y a là Jeannot le mécano, François l’assureur, Jacquou le pinardier et une bonne douzaine de voisins. Tout le monde sombre dans l’inquiétude suivie d’angoisse.

Une expédition est votée à l’unanimité. Ils vont tous partir pour Madagascar ! L’équipe prévient Sonya et embarque à Roissy sur un 747 d’Air France. A Ivato, ils retrouvent la belle Malgache venue les accueillir… Mais elle est toute seule !

« Où est Filou ? » s’exclament-ils en chœur. « Je vais vous expliquer, s’effondre Sonya en larmes, Filou a été victime d’un accident de voiture : Il a écrasé une petite fille en dérapant avec sa Mercédès… » Elle n’ose quand même pas ajouter : « Sur une plaque de verglas ! » mais le cœur y est ! Les parents de la fillette ont porté plainte. Bref, Philippe est en fuite dans le nord en attendant que l’affaire se tasse !

« Nous devons absolument le voir, annonce Dédé, d’un ton sans réplique, et nous ne quitterons pas l’île sans l’avoir rencontré. » Dès le lendemain Sonya loue un minibus et annonce le départ immédiat pour… « le nord » et l’île Sainte-Marie où Filou a trouvé refuge.

La Grande Expédition commence, cornaquée par Sonya, convertie en « gentille organisatrice », rôle qu’elle semble prendre très au sérieux. En effet, chaque jour dévoile son lot de surprises L’expédition vosgienne assiste aujourd’hui à une grande fête très colorée donnée dans un village de L’Isalo. Ils vont explorer ensuite les derniers arpents de la grande forêt primaire, admirer les zébus à longues cornes, des lémuriens espiègles, caresser des caméléons cornus, éprouver un bouleversant sentiment de petitesse au pied de gigantesques baobabs, déguster des ananas juteux et sucrés ainsi que d’autres fruits d’une sapidité inconnue d’eux… Je citerai pour exemple le corossol crémeux à la saveur de foutre de lion d’Amérique.

Chaque jour qui passe semble les éloigner toujours un peu plus du souvenir de Filou. Un jour, distraitement, Sonya a évoqué le petit garçon écrasé par la Mercedes. Il a fallu lui rappeler qu’il s’agissait d’une petite fille, déclenchant chez elle un fou-rire malséant et inopportun.

Dédé commence à s’énerver, il est venu interpréter « Sur les traces de Fawcett » et on lui fait jouer « En attendant Godot ». Un beau matin, avant une visite programmée de sources thermales, suivie d’une dégustation de gousses de vanille au son d’un orchestre local, il s’emporte et apostrophe Sonya : « Mais quand allons-nous enfin retrouver Philippe ? » « Après demain, réplique Sonya, j’ai loué un bateau, nous le retrouverons à l’île Sainte-Marie. »

Mais le soir même, coup de Trafalgar : Dédé se gratte la main gauche qui lui démange !!! Il jette un œil inquisiteur et constate qu’elle est brûlée par le soleil. C’est normal, pense-t-il car chaque matin il pose cette main sur la portière du car, vitre ouverte, et le soleil levant lui chauffe la main ! Mais … Mais… Nom de Dieu ! c’est la main GAUCHE ! Et non la droite !!! Donc, contrairement à ce qu’affirme Sonya, ils ne vont pas vers le nord et l’île Sainte Marie mais ils se dirigent vers le sud et Fianarantsoa !

Et d’expliquer ce mystère à Sonya qui, impavide, lui rétorque que c’est normal parce qu’ils ont changé d’hémisphère, que tout y est inversé et qu’en conclusion, il ne connaît rien à la géographie. D’ailleurs, dès le soir, Sonya leur présente le capitaine du bateau, son second, et le mécanicien !!! Mines inquiétantes, patibulaires et sinistres auprès desquelles Nordahl Lelandais pourrait être le frère jumeau du révérend père Maunoir.

Dédé décide d’appeler l’ambassade de France à Antanarivo. Il expose la situation au chargé d’affaires … Et la réponse tombe en lame de guillotine : « Rentrez de toute urgence sur Tananarive, vous êtes probablement en danger de mort ! »

Le groupe décide d »annoncer à Sonya, secrètement ravie, qu’ils renoncent pour le moment à retrouver Filou et qu’ils doivent, la tête pleine de merveilles tropicales, retourner en France de toute urgence. Et les voici à nouveau au sein de la capitale, l’ambassade de France prévient la police qui convoque Sonya pour un entretien affectueux et serein.

Il ne faudra pas plus de trois heures aux policiers du Capitaine X… (son nom comporte 24 syllabes, alors, si vous y tenez !) pour que Sonya, très légèrement contusionnée, se mette à table et crache le morceau avec quelques fragments d’incisives qui n’ont pas résisté. Filou avait, dit-elle, le mal du pays et avait décidé de puiser dans son compte en banque pour organiser un voyage en France sous trois mois. Mais Sonya refusait d’envisager ces dépenses inconsidérées financées par un compte en banque qui désormais était le sien.

Normal, nicht war ? Et le ton avait monté… Il n’y avait plus réellement qu’une solution intelligente et raisonnable : Elle avait recruté trois hommes de peine dans un bar louche de Tana, ceux qu’on avait retrouvés, mués en capitaine de bateau, second et mécanicien, qui pour une somme très modique se préparaient d’enthousiasme à faire passer au large et par-dessus bord l’équipe vosgienne de copains, partis pour l’île Sainte Marie retrouver Filou.

Un beau soir, Sonya ( toujours avec un y ) avait écrasé un tube de valium dans un grand verre de whisky, alors que Filou remuait de sombres pensées devant la télé malgache. « Tiens, bois, mon chéri, ça va te détendre ! » Le coup du QUIMBOISEUR… Le quimboiseur vous vous rappelez la Martinique ?  1958 !

1958 ! c’était il y a si longtemps ! Armés d’une machette, d’un marteau et d’une pioche les trois « navigateurs » de Sonya avaient joyeusement fracassé le crâne du malheureux Vasa qui croyait tant à l’amour sous les Tropiques. On avait ensuite fini la bouteille de whisky et arrosé les morceaux de Filou soigneusement découpé à la machette sur une bonne litière de vieux pneus bien imprégnés d’essence. Le bûcher avait flambé toute la nuit. Au premier chant du coq, on avait rassemblé les cendres encore chaudes dans une brouette qu’on avait ensuite balancée dans un vieux canal qui passait par là.

Sonya s’était acquittée de la modique somme de deux cents euros auprès du « capitaine » et de ses deux adjoints. Elle était désormais propriétaire d’une somptueuse résidence à Tananarive, d’un honnête commerce de layette, d’une luxueuse Mercedes et d’un compte en banque de 500.000 euros. Excusez du peu ! Ni sage-femme, ni actrice, ni enceinte, ni veuve de gynécologue champion de crawl, c’est avec volupté et robuste optimisme que la criminelle pouvait désormais envisager un avenir radieux !

Ah ! S’il n’y avait pas eu Dédé le garagiste, Jeannot le mécano, François l’assureur et Jacquou le pinardier pour le transformer en cauchemar ! Et ce malheureux Filou, si seul, si discret, si vulnérable, sans famille aucune ! Presque un saint, voyez-vous ! Et à quoi servent les saints ?

À jeter des éclairs de lumière et de feu sur le chemin de nos détresses !